Depuis le 10 juin, jour de la prise de Mossoul par
les jihadistes de l’Etat islamique, les chrétiens de la ville n’ont
d’autre choix que de fuir, se convertir à l’islam ou payer une taxe
spéciale. Ils sont ainsi des milliers à avoir choisi l’exode. Face à la
situation de ces chrétiens d’Irak qui s’aggrave de jour en jour, les
chrétiens de France se mobilisent et expriment leur soutien. Après Lyon
samedi, les communautés chaldéennes de France appellent à manifester ce
dimanche à Paris. Une messe doit également être célébrée ce soir en
l’église Notre-Dame de Paris. Monseigneur Barbarin, archevêque de Lyon,
se rend ce lundi en Irak pour une visite de trois jours auprès des
chrétiens sur place avec Monseigneur Dubosq, l’évêque d’Evry, et
Monseigneur Gollnisch, directeur général de l'Œuvre d'Orient, qui est
l'invité de RFI.
RFI : Quel est l'objectif de cette visite ?
Monseigneur Pascal Gollnisch : Cette visite
s’inscrit dans tout un processus de la part des évêques de France pour
dire leur proximité, leur amitié aux chrétiens du Moyen-Orient qui
vivent des situations difficiles. Certes, les populations dans leur
ensemble vivent des choses difficiles, il n’y a pas que les chrétiens
qui vivent des choses difficiles. Mais les chrétiens sont
particulièrement fragilisés puisque ce sont les seuls à ne pas avoir
pris les armes, à ne pas avoir de milices pour les défendre, à ne pas
avoir de territoire où se réfugier, à ne pas avoir de gouverneur qui les
représente.
Et donc tant en Syrie, qu’en Irak, qu’en Palestine d’ailleurs, ils
sont particulièrement fragilisés. Et donc il est normal de garder le
contact avec eux et cela passe par le fait d’aller les voir sur place
pour leur dire notre proximité spirituelle. Ce sont à la fois nos frères
d’un point de vue chrétien, mais ce sont aussi des gens tout proches,
et la Méditerranée c’est tout proche, il est donc normal aussi en tant
que Français, que nous allions leur dire notre amitié.
Et pourquoi vous, le cardinal Barbarin et Monseigneur Dubosq ? Pourquoi ces trois personnalités ?
Le souhait est que de mois en mois, selon l’évolution de la
situation, il y ait régulièrement des représentants de l’Eglise de
France qui aillent en Orient pour maintenir le contact. Ainsi, certains
sont déjà venus en France. Le patriarche qui habite Bagdad est déjà venu
à Lyon, le patriarche qui habite Damas est déjà venu à Paris, ils ont
rencontré les responsables de l’Eglise de France. Et donc cela s’inscrit
dans ce que nous espérons voir se mettre en place, c'est-à-dire des
contacts réguliers.
Là, c’est le cardinal Barbarin qui avait reçu spécialement à Lyon le
patriarche Monseigneur Sako, qui habite Bagdad. Il rend un peu cette
visite d’amitié. Et puis Monseigneur Dubosq et l’évêque qui est chargé
des relations avec le monde musulman en France, il est spécialement
concerné par ce qui se passe. Et nous-mêmes à l’Œuvre d’Orient, notre
mission est de maintenir ce lien.
Donc il y a une cohérence de cette démarche qui n’est pas une
démarche politique, même si les questions politiques évidemment nous
préoccupent grandement. C’est une démarche religieuse, c’est une
démarche d’église. C’est manifester que nous sommes dans une certaine
fraternité spirituelle de ces personnes qui souffrent.
Et quel avenir alors pour ces chrétiens d’Irak ? Est-il envisageable de les faire venir en Europe, par exemple ?
Non, ce n’est pas l’objet. Je pense que ce sont d’abord des Irakiens.
Ce sont des Irakiens qui sont extrêmement attachés à leur pays. Et par
conséquent, ce n’est pas une perspective. C’est un peu comme si on
disait : il y a des problèmes en France, on va dire aux Français de
quitter la France. Ce n’est pas une perspective. Ce n’est pas une
solution. D’autant qu’il y a d’autres minorités, aussi bien en Irak
qu’en Syrie. Donc si c’est les chrétiens qui s’en vont, ce sont les
autres minorités qui devront partir un jour. Et ça veut dire que chaque
pays va se refermer sur son identité majoritaire.
Ce tel système conduit à une guerre. Nous en avons eu l’expérience en
Europe. On a cru faire la paix en laissant chaque pays avec sa majorité
nationale, son identité nationale, cela a conduit à la guerre. Par
conséquent, l’enjeu au-delà de l’aspect ecclésial pour les chrétiens,
l’enjeu c’est aussi de construire des pays dans lesquels les minorités
peuvent exister et les membres de cette minorité, avoir la citoyenneté
pleine et entière.
La Vatican a annoncé samedi une aide de 30 000 euros pour les
chrétiens d’Irak. Est-ce que les chrétiens français vont aussi donner
de l’argent pour leur venir en aide ?
Bien sûr. Nous avons pour la Syrie, en ce qui concerne notre
organisme, c’est-à-dire l'Œuvre d’Orient, nous avons envoyé environ 3
millions d’euros en urgence. Et il y a d’autres organismes qui agissent
également, comme L’Aide à l’Eglise en Détresse, comme le Secours
catholique avec le Réseau Caritas, comme le Saint-Sépulcre par exemple,
parmi beaucoup d’autres. Donc bien évidemment, nous apportons des fonds.
Au-delà du soutien économique, c’est aussi un soutien symbolique. Et
nous ne nous contentons pas d’une chaude poignée de main et d’une
prière, même si tout cela est important. C’est aussi montrer notre
solidarité.
D’un point de vue financier ?
D’un point de vue financier, d’un point de vue concret, oui. Notre
œuvre a un budget de 10 millions d’euros qui est exclusivement consacré
aux catholiques orientaux.
Ce sont essentiellement des dons ?
Ce sont des dons. Nous avons à l'Œuvre d’Orient un réseau de 40 000
donateurs qui ne sont pas tous nécessairement catholiques, ils ne sont
pas tous nécessairement chrétiens. Il y a des hommes qui sont
impressionnés par l’épreuve que rencontre cette minorité. Et par
conséquent, c’est effectivement des dons. Des dons des Français qui sont
conscients que se joue une partie de la paix, de l’équilibre des
nations, de l’équilibre des civilisations autour de la Méditerranée à
travers le maintien des chrétiens d’Orient. Nous nous inscrivons
vraiment dans cette perspective ; donner les moyens aux chrétiens
d’Orient de rester dans leur pays s’ils le désirent.
Et est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’en Europe les
chrétiens sont de plus en plus solidaires avec leurs frères en Orient ?
Oui, bien sûr. C’est une longue tradition. Raison même de cette
proximité, j’allais dire Méditerranéenne, que j’évoquais. C’est sûr que
pour nous le Proche-Orient c’est vraiment des voisins, peut-être plus
que pour l’Extrême-Orient ou pour des chrétiens qui habiteraient en
Amérique du Nord, par exemple. Ce sont des gens plus proches avec
lesquels nous avons vraiment une civilisation méditerranéenne qui nous
unifie. Vous savez, de l’autre côté de la Méditerranée vous retrouvez
des oliviers, des collines, la grande bleue, le soleil… Voilà.
Nos civilisations sont quand même extrêmement unies, extrêmement
proches. Et donc nous avons une histoire aussi qui nous relie. Et par
conséquent, c’est vrai que les Français en général et les chrétiens en
particulier, se sentent liés à ce que subissent les chrétiens d’Orient,
même si les chrétiens ne sont pas les seuls à souffrir dans ces pays.
Source : RFI