Petit traité de l'abandon
Alexandre Julien, Petit traité de l’abandon, pensées
pour accueillir la vie telle qu’elle se propose, Seuil, S.E., 2012, pp 63-68.
La Foi et la Prière
Est-ce que j’ai la
foi ? Certaines
nuits, je
me réveille
en songeant que l'univers est vaste
et que dans quelques
années, je ne serai plus là, J’ai des angoisses et cet univers me paraît dépourvu de sens. Certains matins, Je me lève avec la confiance absolue en
mon cœur et je suis sûr que Dieu, qui n’est pas Dieu c’est pourquoi je l’appelle
Dieu, existe et qu’il est
infiniment bienveillant.
Est-ce que j’ai
la foi ?
La réponse
est donc oui et non. Certains jours, je me lève croyant pour me coucher athée. Pourtant, lorsque
je médite
en
profondeur, la
réponse est
oui. Au
niveau du
cœur, j’y
crois totalement
; mais rationnellement, c'est plus compliqué.
Quand j’ai réalisé ce contraste
entre le cœur et l’esprit, j'ai éprouvé
une joie infinie parce que j’y ai trouvé une fois de plus une invitation
à descendre au fond du fond. Comme en pleine mer : à la surface il y a mille
vagues, mais au fond du fond, c’est calme, immensément calme et bienveillant.
Plein de joie, j’ai réalisé que je devais tendre l’oreille à mon Cœur qui lui
est déjà en paix. Le Cœur, d’ailleurs, ne dit jamais non. J’ai constaté que le Cœur accepte la réalité,
le handicap, la souffrance, les quolibets, les regards. C’est l’esprit qui m’en
éloigne. C’est le mental, c’est la psychologie à deux sous que je me suis
fabriquée
Un jour, dans un
monastère, je faisais part à un moine de mes doutes et de ma foi, qui n’est pas
une foi c’est pourquoi je l’appelle foi. Il m’a dit :”Toi, tu es comme Dieu. On
vous prend presque toujours pour quelqu’un d’autre, sauf ceux qui vous aiment
vraiment.” Et il m’a convié à pratiquer un exercice. Il m’a donné une croix et
m’a invité à l’envoyer contre le mur et à faire tout ce que j’avais envie avec
elle. Tout de suite, je lui ai répondu :” Mon père, je ne peux pas faire ce que
tu me dis, c’est un blasphème, je ne peux pas insulter comme ça la religion;”
Et il m’a dit :” Ce que tu prends pour de la religion c’est une idole.” Alors j’ai
fait l’exercice de la croix. Je l’ai jetée contre un mur. Je l’ai triturée et
je me suis aperçu que plus je faisais cela, plus mon amour de Dieu était sans
peur. Quand j’ai raconté cela à ma femme, elle m’a dit :” On pourrait pratiquer
cet exercice avec tous ceux que l’on aime”. Ma ce serait plus difficile de
jeter sa femme contre le mur”! Cela dit, il y a la quelque chose d’éminemment profond. Tant que j’aime une
image de Dieu ou une image de ma femme, je ne l’aime pas pour elle-même. Tant
que j’aime l’image parfait, impeccable de mes enfants, je ne les aime pas pour
ce qu’ils sont
Pour moi, la prière, c’est
se présenter nu à Dieu, sans attentes. On considère souvent la prière comme une
demande. Je demande la santé, je demande la prospérité et je demande régulièrement
pour ma part, d’être épargné de la perte d’un enfant. Mais depuis que l’ai lu
le Soutra du Diamant, il m’apparait
que la prière n’est pas la prière. C’est pourquoi je l’appelle la prière. La
prière ce n’est pas :”Donne-moi ça” Parce que quand on dit :”Donne mi ça”, on
se coupe de tout, on se fixe, on se borne à un résultat. Si Dieu existe, il ne
va pas donner une réponse clé en main à notre prière. Il ne va pas server l’objet
de nos désirs sur un plateau :”Voilà ce que tu m’as demandé!” Peut-être que
dire :”la prière n’est pas la prière c’est pourquoi je l’appelle prière”, c’est
dire :” La réponse à ma prière n’est pas la réponse à ma prière c’est pourquoi je
l’appelle ma réponse à la prière.” Etre en attente. Se laisser ouvrir. Lire le Soutra du Diamant, c’est plonger au fond
du fond pour n’être que pure écoute. Oser laisser la vie sans vouloir changer
quoi que ce soit. Oser lâcher cette obligation de résultat, de réponse, et le
silence peut devenir un lieu de ressource. Parfois dans l’épreuve, ma prière c’est
juste être là.. J’attends sans attendre, dans la confiance. Etre nu devant
Dieu, confiant et sans attente. La confiance ce n’est pas :”J’attends des trucs”.
Une phrase de Saint
Augustin m’aide beaucoup :” Ne fuis pas, rentre en toi-même; c’est dans le Cœur
de l’homme qu’habite la vérité ! “ Et chaque fois que je dois prendre une
grande décision, j’essaye de suivre Saint Augustin et peut être de prendre le sous-marin
de l’âme pour descendre au plus profond de moi, pour y entendre silencieusement
un conseil, une voix discrète dans les tumultes de mes caprices, qui m’indique
non pas un chemin à suivre, mais une direction, qui me suggère le pas à faire.
Et de nouveau la prière n’est pas la prière, c’est pourquoi je l’appelle la
prière. Avant j’imaginais la prière comme une voix intimant des ordres :” Fais
ceci, fais cela!”. Mais cela nie la grandeur de Dieu et la liberté infinie de l’homme.
Pour le chrétien, la prière procède avant tout d’une rencontre. Une rencontre avec le Christ, avec Jésus. Et ce qui me plait dans le parcours de Jésus, si j’ose dire, si l’on regarde sa vie à vue humaine, c’est qu’il y a l’échec, sauf son adhésion totale à la vie. La croix, pour moi, c’est le degré zéro de l’espoir. Jésus à tout raté au moment de la croix. Tout a échoué. Pourtant, pour le croyant, pour le chrétien, c’est là que la vie commence. Elle gagne du terrain, ou plutôt, elle gagne en même temps qu’elle perd. C’est le degré zéro de la vie humaine. Il n’y a plus d’espoir. Et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut. Souvent, dans la prière, je pense à cela. Quand je suis vraiment dans la désolation, quand il n’y a plus rien à faire, j’ose l’abandon total.
L’autre soir, j’étais dans mon lit, le sommeil ne venait pas. J’avais une gouttière dans la bouche pour limiter les tensions dans la nuque. J’avais une pompe à respirer sur le nez pour mieux dormir et un truc aux jambes pour diminuer les douleurs. Le sommeil ne venait pas. J’ai prié et j’ai senti que Dieu était aussi impuissant que moi dans cette situation. Paradoxalement, cela m’a conduit à l’abandon total. Et c’est peut-être cela le miracle. Dix minutes après je ronflais comme un sonneur.
Pour le chrétien, la prière procède avant tout d’une rencontre. Une rencontre avec le Christ, avec Jésus. Et ce qui me plait dans le parcours de Jésus, si j’ose dire, si l’on regarde sa vie à vue humaine, c’est qu’il y a l’échec, sauf son adhésion totale à la vie. La croix, pour moi, c’est le degré zéro de l’espoir. Jésus à tout raté au moment de la croix. Tout a échoué. Pourtant, pour le croyant, pour le chrétien, c’est là que la vie commence. Elle gagne du terrain, ou plutôt, elle gagne en même temps qu’elle perd. C’est le degré zéro de la vie humaine. Il n’y a plus d’espoir. Et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut. Souvent, dans la prière, je pense à cela. Quand je suis vraiment dans la désolation, quand il n’y a plus rien à faire, j’ose l’abandon total.
L’autre soir, j’étais dans mon lit, le sommeil ne venait pas. J’avais une gouttière dans la bouche pour limiter les tensions dans la nuque. J’avais une pompe à respirer sur le nez pour mieux dormir et un truc aux jambes pour diminuer les douleurs. Le sommeil ne venait pas. J’ai prié et j’ai senti que Dieu était aussi impuissant que moi dans cette situation. Paradoxalement, cela m’a conduit à l’abandon total. Et c’est peut-être cela le miracle. Dix minutes après je ronflais comme un sonneur.
Et pourtant… Et comment ? Et maintenant ?
La fête de ND du Rosaire dimanche 16 octobre fut placée sous le signe de l’hospitalité que la Vierge Marie nous réserve dans son cœur quand elle intercède pour nous mais aussi l’hospitalité que nous nous accordons mutuellement lorsque nous nous accueillons avec bienveillance et prenons soin les uns des autres.
Ce fil conducteur a été décliné toute la journée, depuis l’homélie de la messe jusqu’à la conférence de Jean Hermesse, Secrétaire général des Mutualités chrétiennes, qui a précédé le repas, suivi d’un jeu, deux moments de convivialité, donc d’hospitalité mutuelle.
Pour Jean Hermesse, l’hospitalité n’est pas qu’une question individuelle. Elle transparait dans notre projet de société.
La recension qui suit est celle de sa conférence et du débat qui l’a suivi. Elle n’est pas fidèle au déroulement chronologique mais est plutôt soucieuse de cohérence thématique.
Etymologiquement, l’hospitalité renvoie à l’hôpital et, partant, au système de soins médicaux en général. Jean Hermesse en est un observateur privilégié dans notre pays depuis une bonne trentaine d’années.
Les études comparatives montrent que les résidents en Belgique sont réputés plus satisfaits de leur système de santé que ne le sont leurs voisins. Nombre de fonctionnaires européens n’hésitent pas à rester vivre en Belgique une fois qu’ils sont pensionnés.
Les praticiens sont bien formés, les infrastructures de qualité et pas engorgées : les consultations ne souffrent pas de délais d’attente importants, sauf en ce qui concerne quelques spécialités. L’espérance de vie en Belgique reste enviable.
ET POURTANT…
Il ne faut pas réduire le niveau de bien-être dans un Etat donné à l’accumulation de richesses accumulées collectivement. C’est même le contraire lorsque l’accumulation de biens est atteinte au détriment du lien social. Nous sommes riches de biens mais pauvres de liens.
Le montant des indemnités d’invalidité versées en Belgique explose littéralement sans que les bénéficiaires sortent de la précarité financière. Une enquête interne aux Mutualités chrétiennes réalisée auprès de 500 invalides montre que la moitié ont du mal « à joindre les deux bouts » et n’ont aucun budget pour les loisirs.
27% des hommes de plus de 60 ans sont enregistrés comme invalides. Entre 2000 et 2010 la Belgique a enregistré 60.000 invalides de plus, entre 2010 et 2015, 90.000 de plus et on en prévoit 120.000 de plus entre 2015 et 2020.
Le mouvement s’accélère avec le vieillissement de la population : en 2000 la Belgique comptait 186.000 personnes de + de 85 ans, en 2030 ce nombre aura grimpé à 350.000 et en 2050, à 700.000 ! Le « baby-boom » d’après-guerre s’est mué en « papy-boom ».
L’allongement de la durée du temps de travail pour à la fois réduire le nombre d’inactifs à la charge des actifs et financer les pensions des seniors est inéluctable. Rien que les besoins de financement des indemnités d’invalidité ont crû de 1,6 milliard d’euro ces cinq dernières années.
Mais les palliatifs mis en œuvre par le gouvernement fédéral (volonté affichée de remettre le maximum d’invalides au travail, sous peine de sanctions pécuniaires) se heurtent à l’obstination des chiffres : seuls 7% des invalides sont prêts à retravailler. Ces mesures ne tiennent pas lieu de vision ambitieuse, précédant toute nouvelle stratégie d’envergure.
ET COMMENT ?
A contrario de la Belgique, la Finlande est devenue très proactive pour éviter que l’allongement du temps de travail rime avec l’explosion du taux d’incapacité. Les seniors actifs travaillent principalement à mi-temps et dans des fonctions de tuteurs des actifs plus jeunes. Ils retrouvent de la considération aux yeux de la société en étant perçus comme une richesse humaine et plus comme une charge.
Remises au cœur de la société et plus reléguées à ses marges, les personnes âgées se portent mieux car « elles sont remises debout ». Les infirmiers de rue témoignent que le lien social soigne mieux que tous les médicaments et revient moins cher.
La Belgique consacre 10 % de son PIB aux soins de santé soit une quarantaine de milliards € chaque année. Les Etats-Unis, 17% ! Avec une espérance de vie moyenne plus basse, au niveau de celle des Cubains.
L’idée dominante reste que la croissance est le remède à tous les maux : plus d’investissements dans les soins de santé, de caméras de surveillance, de contrôles etc… Avec comme corolaire le développement de services marchands et le chacun pour soi (auxiliaires de vie à domicile « SeniorCare24 ») ou l’entre-soi (complexe immobilier « Bella Vita » à Waterloo), d’où le renforcement du clivage entre gagnants et perdants.
Or, l’aménagement du territoire (trottoirs accessibles, places publiques piétonnières, commerces de proximité, maisons de quartier, bibliothèques-librairies-cafés, jardins potagers publics, logements mixtes intergénérationnels, appartements communautaires dans chacun des grands immeubles d’habitation, ouverture au public de jardins privés, modes de transport doux tels le vélo, etc…) doit permettre aux différentes générations et classes sociales de favoriser les occasions de se recroiser gratuitement (fête des voisins, aide aux devoirs scolaires par les aînés, groupes de « tricoteuses », de cuisinières, etc…), de brasser leurs préoccupations.
ET MAINTENANT ?
Bruxelles est une agglomération cosmopolite qui recèle donc la richesse de la diversité des origines de ses habitants.
Le café d’antan est devenu rare mais pas le bar d’unité. Uccle compte 2.000 scouts (garçons et filles) pour 80.000 habitants. Certains mouvements de jeunesse gardent la cote.
Les Mutualités chrétiennes sont à l’origine de « Jeunesse et santé » (camps de vacances pour jeunes), Eneo (mouvement social des aînés), Alteo (mouvement social des personnes handicapées).
Chacun de nous a des talents. Comment les partageons-nous ? Plein de dépenses sont réduites, voire supprimées, lorsqu’on s’inscrit dans un réseau informel. C’est le cas des colocations étudiantes, de l’outil coûteux dont on se sert une fois par an et qu’on prête aux voisins. Il y a un risque qu’il soit moins bien entretenu mais il est transcendé par le bénéfice du lien humain cultivé.
Au Danemark, le nombre de résidents dans les maisons de retraite a chuté avec le développement d’une politique de maintien à domicile et de mixité des logements.
Cette tendance lourde s’inscrit dans l’économie du partage où l’usage des biens est plus important que leur possession, où l’être transcende l’avoir.
L’échevine Catherine Roba-Rabier, présente dans la salle, insiste sur l’importance de l’interpellation permanente des mandataires politiques par la société civile. Sans une société civile dynamique, les représentants politiques sont démunis.
En conclusion « Soyons le changement que nous voulons voir advenir » (Mahatma Gandhi)
Christophe Coeckelbergh
Ce fil conducteur a été décliné toute la journée, depuis l’homélie de la messe jusqu’à la conférence de Jean Hermesse, Secrétaire général des Mutualités chrétiennes, qui a précédé le repas, suivi d’un jeu, deux moments de convivialité, donc d’hospitalité mutuelle.
Pour Jean Hermesse, l’hospitalité n’est pas qu’une question individuelle. Elle transparait dans notre projet de société.
La recension qui suit est celle de sa conférence et du débat qui l’a suivi. Elle n’est pas fidèle au déroulement chronologique mais est plutôt soucieuse de cohérence thématique.
Etymologiquement, l’hospitalité renvoie à l’hôpital et, partant, au système de soins médicaux en général. Jean Hermesse en est un observateur privilégié dans notre pays depuis une bonne trentaine d’années.
Les études comparatives montrent que les résidents en Belgique sont réputés plus satisfaits de leur système de santé que ne le sont leurs voisins. Nombre de fonctionnaires européens n’hésitent pas à rester vivre en Belgique une fois qu’ils sont pensionnés.
Les praticiens sont bien formés, les infrastructures de qualité et pas engorgées : les consultations ne souffrent pas de délais d’attente importants, sauf en ce qui concerne quelques spécialités. L’espérance de vie en Belgique reste enviable.
ET POURTANT…
- Alors que le territoire belge est exigu, il y a d’énormes disparités entre les habitants. Un Brugeois vit en moyenne 5 ans plus longtemps qu’un Anderlusien. C’est encore plus flagrant en matière d’espérance de santé. Ces importantes disparités sont avant tout dues aux différences de niveau d’éducation, d’habitudes alimentaires, de niveau de vie.
- La consommation de somnifères et d’antidépresseurs par les personnes âgées est en constante augmentation et va de pair avec leur isolement croissant : 34% sont aujourd’hui isolées contre 17% en 1970. A Bruxelles, les nombreuses maisons de repos hébergent une forte proportion de résidents encore valides, qui y recherchent la sécurité et à rompre leur isolement ;
- Le taux de suicide des hommes de + de 75 ans est élevé. Ces indicateurs interpellent.
Il ne faut pas réduire le niveau de bien-être dans un Etat donné à l’accumulation de richesses accumulées collectivement. C’est même le contraire lorsque l’accumulation de biens est atteinte au détriment du lien social. Nous sommes riches de biens mais pauvres de liens.
Le montant des indemnités d’invalidité versées en Belgique explose littéralement sans que les bénéficiaires sortent de la précarité financière. Une enquête interne aux Mutualités chrétiennes réalisée auprès de 500 invalides montre que la moitié ont du mal « à joindre les deux bouts » et n’ont aucun budget pour les loisirs.
27% des hommes de plus de 60 ans sont enregistrés comme invalides. Entre 2000 et 2010 la Belgique a enregistré 60.000 invalides de plus, entre 2010 et 2015, 90.000 de plus et on en prévoit 120.000 de plus entre 2015 et 2020.
Le mouvement s’accélère avec le vieillissement de la population : en 2000 la Belgique comptait 186.000 personnes de + de 85 ans, en 2030 ce nombre aura grimpé à 350.000 et en 2050, à 700.000 ! Le « baby-boom » d’après-guerre s’est mué en « papy-boom ».
L’allongement de la durée du temps de travail pour à la fois réduire le nombre d’inactifs à la charge des actifs et financer les pensions des seniors est inéluctable. Rien que les besoins de financement des indemnités d’invalidité ont crû de 1,6 milliard d’euro ces cinq dernières années.
Mais les palliatifs mis en œuvre par le gouvernement fédéral (volonté affichée de remettre le maximum d’invalides au travail, sous peine de sanctions pécuniaires) se heurtent à l’obstination des chiffres : seuls 7% des invalides sont prêts à retravailler. Ces mesures ne tiennent pas lieu de vision ambitieuse, précédant toute nouvelle stratégie d’envergure.
ET COMMENT ?
A contrario de la Belgique, la Finlande est devenue très proactive pour éviter que l’allongement du temps de travail rime avec l’explosion du taux d’incapacité. Les seniors actifs travaillent principalement à mi-temps et dans des fonctions de tuteurs des actifs plus jeunes. Ils retrouvent de la considération aux yeux de la société en étant perçus comme une richesse humaine et plus comme une charge.
Remises au cœur de la société et plus reléguées à ses marges, les personnes âgées se portent mieux car « elles sont remises debout ». Les infirmiers de rue témoignent que le lien social soigne mieux que tous les médicaments et revient moins cher.
La Belgique consacre 10 % de son PIB aux soins de santé soit une quarantaine de milliards € chaque année. Les Etats-Unis, 17% ! Avec une espérance de vie moyenne plus basse, au niveau de celle des Cubains.
L’idée dominante reste que la croissance est le remède à tous les maux : plus d’investissements dans les soins de santé, de caméras de surveillance, de contrôles etc… Avec comme corolaire le développement de services marchands et le chacun pour soi (auxiliaires de vie à domicile « SeniorCare24 ») ou l’entre-soi (complexe immobilier « Bella Vita » à Waterloo), d’où le renforcement du clivage entre gagnants et perdants.
Or, l’aménagement du territoire (trottoirs accessibles, places publiques piétonnières, commerces de proximité, maisons de quartier, bibliothèques-librairies-cafés, jardins potagers publics, logements mixtes intergénérationnels, appartements communautaires dans chacun des grands immeubles d’habitation, ouverture au public de jardins privés, modes de transport doux tels le vélo, etc…) doit permettre aux différentes générations et classes sociales de favoriser les occasions de se recroiser gratuitement (fête des voisins, aide aux devoirs scolaires par les aînés, groupes de « tricoteuses », de cuisinières, etc…), de brasser leurs préoccupations.
ET MAINTENANT ?
Bruxelles est une agglomération cosmopolite qui recèle donc la richesse de la diversité des origines de ses habitants.
Le café d’antan est devenu rare mais pas le bar d’unité. Uccle compte 2.000 scouts (garçons et filles) pour 80.000 habitants. Certains mouvements de jeunesse gardent la cote.
Les Mutualités chrétiennes sont à l’origine de « Jeunesse et santé » (camps de vacances pour jeunes), Eneo (mouvement social des aînés), Alteo (mouvement social des personnes handicapées).
Chacun de nous a des talents. Comment les partageons-nous ? Plein de dépenses sont réduites, voire supprimées, lorsqu’on s’inscrit dans un réseau informel. C’est le cas des colocations étudiantes, de l’outil coûteux dont on se sert une fois par an et qu’on prête aux voisins. Il y a un risque qu’il soit moins bien entretenu mais il est transcendé par le bénéfice du lien humain cultivé.
Au Danemark, le nombre de résidents dans les maisons de retraite a chuté avec le développement d’une politique de maintien à domicile et de mixité des logements.
Cette tendance lourde s’inscrit dans l’économie du partage où l’usage des biens est plus important que leur possession, où l’être transcende l’avoir.
L’échevine Catherine Roba-Rabier, présente dans la salle, insiste sur l’importance de l’interpellation permanente des mandataires politiques par la société civile. Sans une société civile dynamique, les représentants politiques sont démunis.
En conclusion « Soyons le changement que nous voulons voir advenir » (Mahatma Gandhi)
Christophe Coeckelbergh
devenez visiteur de malades
DEVENEZ SOLIDAIRES
Pour qu’ils et elles ne soient pas toujours seuls, devenez visiteur de personne âgées, seules, malades, en maison de repos ou à domicile.
Chers tous,
- Vous souhaitez rendre visite à des personnes âgées, mais vous ne savez pas à qui vous adresser .
- Vous rendez visite à un membre de votre famille et vous êtes prêt à rendre une visite à une personne de plus.
- Vous venez d'être pensionné et vous disposez d'un peu de temps
- Vous avez envie de poser un geste de solidarité
- La solitude , la souffrance, le grand âge vous interpellent.
- Vous êtes tous et toutes les bienvenu(e) de 7 à 77 ans !
Personne
de contact :
Michelle Le Ray – Navez : Coordinatrice paroissiale de la pastorale de
la santé
Rue Langeveld 115 A / b 2 - 1180 Uccle
tel 02 - 375 03 71- gsm 0477 679 144
email dmcleray@voo.be
La miséricorde chrétienne dans l’archipel carcéral.
La
miséricorde chrétienne dans l’archipel[1]
carcéral.
Un moine
bénédictin partageait son étonnement avec moi quant au choix par le pape
François d’une « année de la miséricorde », et il ajoutait que,
jadis, on ne parlait pas de la miséricorde mais des miséricordes de Dieu. Le
mot est, sans nul doute, tombé en désuétude, ainsi que beaucoup d’autres, non
seulement dans le langage courant mais aussi dans le langage religieux
chrétien. C’est donc une belle provocation à nous réapproprier des mots et
leurs réalités en commençant par les miséricordes.
Partir de
Dieu et atterrir en prison.
Que Dieu
soit la source, l’origine et le principe de la miséricorde personne ne le
contestera. Le problème se pose dès que l’on s’interroge sur notre capacité
humaine en œuvrer dans la fidélité à ce que Dieu non seulement désire mais
aussi ce qu’il est vis-à-vis de tout homme : « Soyez miséricordieux
comme votre Père est miséricordieux (Luc 6,36) ». Nous connaissons
cet enseignement et habituellement, il ne nous pose que peu de problèmes de
conscience. C’est lorsque nous sommes confrontés au crime, à la déviance ou
simplement à ce que l’on appelle « la petite délinquance » que notre
identité chrétienne, nos convictions sont mises à l’épreuve- a fortiori si je
suis victime ou qu’un proche souffre ou a perdu la vie. Notre réaction
spontanée est de souhaiter l’arrestation et la mise en détention des coupables
(ou présumés tels). Comment se fait-il que la police l’ait arrêté et qu’il soit
libéré aussitôt ? Souvent nous entendons cette phrase lors des micros
trottoirs dont raffolent nos médias. La plupart des citoyens méconnaissent non
seulement les lois de notre Etat de droit, mais aussi les conditions de
détention dans nos maisons d’arrêt à Bruxelles. Prenons l’exemple de la prison
de Forest[2].
Il y avait 405 places, on y a enfermé jusqu’à 700 hommes dont certains
partageaient à trois, neuf mètres carrés- le dernier arrivé dormant à même le
sol. Dans deux ailes de la prison il n’y avait ni évier ni cabinet de toilette
dans la cellule, seulement un seau qu’il fallait vider chaque matin. Ces
prévenus, bénéficiant de la présomption d’innocence, pouvaient prendre deux
douches par semaine et sortaient une heure par jour au préau, sauf la minorité
des travailleurs qui connaissent d’autres conditions de détention. Chaque année
près de 4000 prévenus séjournaient à Forest, en moyenne trois mois, dans ces
conditions. L’aumônerie catholique s’occupe des 20 % de détenus de son
obédience et est également amenée à rencontrer tout détenu qui accepte une
visite quelles que soient ses convictions. La mission dépasse donc les clivages
religieux ou philosophiques.
Une
charte des aumôniers de prison.
Le tableau
brossé plus haut est sommaire. Il suffit cependant à s’imaginer que l’on ne
s’engage pas dans cette pastorale en dilettante. Six obédiences sont reconnues
et subsidiées par l’Etat : les chrétiens orthodoxes, protestants et
catholiques, les musulmans, les juifs et la laïcité. La direction générale des
établissements pénitentiaires prévoit deux rencontres annuelles
inter-obédiences avec la direction de chaque prison.
La charte
des aumôniers catholiques néerlandophones dit avec beaucoup de justesse :
« La pastorale carcérale se situe en marge de la société mais au cœur du
christianisme, dans le paysage biblique du sens et de la recherche de sens, de
la guérison et de la délivrance. Elle aide le détenu à se reconstruire et à
reprendre le fil de sa vie. »
Diverses
dimensions, non limitatives, sont constitutives de la mission de l’aumônier,
elles illustrent les miséricordes de Dieu.
Être
présent : aller vers les détenus, se libérer de tous les jugements et préjugés
qui ont cours dans la société, être prêt à dire : « je ne sais
pas ». Être humble. L’aumônier doit être présent, abordable, parole et
signe. Il ne rougit pas de nommer le détenu « frère ».
L’attention
créative : un aumônier ne doit pas d’abord enregistrer et analyser le
récit, mais bien accueillir l’être humain qui se cache derrière le récit.
Lorsque les occasions et les moyens le permettent, cette attention pastorale
s’adressera également aux proches des détenus. Eux aussi sont souvent
désemparés et perdus, en quête de sens et de compréhension, plongés dans la
souffrance et la désillusion.
Un havre
sûr : un aumônier sait qu’il foule une terre sainte lorsque quelqu’un
l’entraîne vers les profondeurs de son cœur et de son âme, de ses faits et
gestes. Un refuge dans un double sens, celui de l’asile où l’on se sent en
sécurité, qui s’inscrit dans la tradition séculaire de l’Eglise et celui de
l’oasis où l’être humain peut boire à la source de la Vie, dans la prière et le
silence, où la quête de sens trouve un soulagement. L’aumônier ne pourra jamais
se départir de cette attitude du respect du secret[3].
Le travail
de réintégration : Un aumônier est plus qu’un embarcadère ou une caisse de
résonance. Dans une perspective de réparation, l’aumônier est appelé à chercher
avec le détenu le pourquoi profond de ce qui s’est passé et la meilleure voie
de guérison et de réparation. Il ne peut faire l’impasse sur les questions
concernant le sens et le non-sens, le préjudice et la honte, la faute et la
grâce, la place de Dieu dans sa vie et les commandements. C’est à l’aumônier à
percer à jour, avec miséricorde mais aussi sans détour, les échappatoires et la
superficialité et à proposer franchement des gestes de repentir et de
conversion. Il ramènera constamment le détenu sous le regard de Dieu, qui
pardonne et qui guérit.
Un être de
foi et d’espérance : Dieu a semé des graines de bonté en chaque homme,
l’aumônier se fera un devoir de les faire germer, de les faire croître et de
leur faire porter du fruit.
Puiser à la
source : Un aumônier ne doit pas sa plus-value et son dévouement, sa
passion et sa ferveur en premier lieu à ses compétences, mais, à l’image du
Christ, à son attachement au Père. Il souhaite faire boire le détenu à cette
même source et l’y invitera tout en respectant son propre cheminement. Il
laissera une place privilégiée, lors de ses entretiens, à la Parole de Dieu, à
la prière, à la lumière et au soutien pour l’être si peu sûr de lui, à la
consolation et au courage pour l’homme blessé et dévoyé, avec beaucoup de
modestie, dans la foi en l’amour de Dieu pour chaque être humain. L’adoption
d’une position critique et prophétique veillera à ce que l’humanité l’emporte
toujours sur la sécurité.
Et les
victimes, vous y pensez ?
Il nous est
parfois reproché de nous occuper exclusivement des détenus, comme si nous
ignorions la souffrance des victimes. Or, il n’en n’est rien. Les extraits de
la charte montrent le contraire.
Par ailleurs,
elles sont rarement absentes du récit du détenu, elles font partie de son
histoire. Il me semble que l’aumônier de prison doit ressentir une double
sympathie, pour la victime et le coupable, ils font partie de la même humanité.
Dans le récit de la Genèse Dieu protège Caïn (Genèse 4,9-16) tout en lui
reprochant le meurtre de son frère Abel.
La croix,
qui est présente dans la chapelle, montre Jésus le Crucifié, victime offerte
pour nos péchés. Cette contemplation est plus éloquente que tous les discours.
Marie occupe
une place essentielle. Il est édifiant de voir les détenus chanter, à la fin de
la messe tournés vers Marie. Certains touchant ses pieds. Elle aussi représente
les victimes, ce qu’elle fut, dans la souffrance de voir son fils torturé et
mis en croix.
Les larmes
de conversion qui coulent sur les joues de certains détenus, lors de
l’eucharistie ou du sacrement de la réconciliation et de la pénitence ne
mentent pas. Ils ne pleurent pas que sur eux-mêmes.
Pour le dire
en peu de mots, les équipes d’aumônerie en prison, participent à un processus
reconstructif, tant du détenu que des victimes. Il y a là une double démarche
théologique de rédemption et de résurrection.
La
miséricorde dans la loi.
La loi dite
« de principes » du 12 janvier 2005, votée au parlement mais entrée
partiellement en vigueur, vise à limiter « les effets préjudiciables de la
détention » et élabore un statut juridique du détenu en tant que sujet de
droit. La loi contient elle aussi une forme de miséricorde, les articles 75 à
79 définissent le rôle et les droits des obédiences, parmi ces articles il est
fait obligation aux aumôniers et conseillers de visiter en priorité les détenus
au cachot, à l’isolement ou au secret.
« Les hommes sont comme les
mots, leur histoire en dit plus long que leur définition. » Charles-Maurice
de Talleyrand
Abbé Thierry
Vander Poelen
Pour
poursuivre la réflexion sur le monde carcéral.
Philippe
Mary, La politique pénitentiaire, Courrier hebdomadaire du CRISP n°2137,
Bruxelles, 2012.
Michel
Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, Gallimard, s.l., 1975.
Les ouvrages
récents du criminologue Dan Kaminski présentent un grand intérêt.
[1] Le
terme d’archipel est emprunté à Michel Foucault, cf.infra, et à Alexandre Soljénitsyne.
[2] La
prison de Forest a été une maison d’arrêt où se trouvaient des détenus en
préventive (en attente de leur procès ou de leur libération si aucune charge
n’était retenue contre eux) et une annexe psychiatrique, elle est transformée progressivement
en maison de peine (fin octobre 2016) où seuls se trouveront des condamnés dont
les conditions de détention seront très différentes de celles décrites plus
haut.
[3]
Les aumôniers et conseillers sont tenus au secret professionnel aux termes de
l’article 458 du code pénal. Trois dérogations sont prévues à l’article 458
bis. Il est généralement admis, dans l’aumônerie catholique, que ce colloque
singulier revêt un caractère de secret absolu comparable au secret du sacrement
de la réconciliation.
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