Evangile selon
Saint Matthieu 15,21-28
Rien de pire que
les commentaires réalistes ou psychologisants de cet Evangile. Certains
écrivent même que c’est la cananéenne qui a fait prendre conscience à Jésus de
sa mission vis-à-vis des païens. Comme
si c’était le paralytique qui lui avait donné le pouvoir de guérison…
Ce récit, court et
intense, n’a de sens que si on lit l’ensemble du chapitre quinze de l’évangile.
Il commence par l’interpellation des scribes et des pharisiens qui s’approchent
de Jésus pour lui faire un reproche : « pourquoi tes disciples
transgressent-ils la tradition des anciens ? Car ils ne se lavent pas les
mains quand ils mangent du pain ». Il se termine par la deuxième
multiplication des pains.
Le rôle des
disciples est central, ils ne sont pas insensibles aux remarques des pharisiens
(v.12 « Sais-tu que les pharisiens en entendant cette parole se sont
choqués ? »), ils demandent à Jésus d’intervenir auprès de la
cananéenne (v.23 « Renvoie-la, parce qu’elle crie après nous »),
Jésus leur donne le pain afin qu’ils le donnent aux foules.
La controverse
avec les pharisiens est virulente, puisqu’il leur reproche d’avoir substitué
leur tradition (des préceptes d’hommes)
aux commandements de Dieu et pire encore, ce-faisant, de les
transgresser. Même aux disciples il doit expliquer l’essentiel : « Ne
réalisez-vous pas que tout ce qui pénètre dans la bouche va dans le ventre, et
est jeté dehors aux ordures ? Mais ce qui sort de la bouche
provient du cœur, et cela souille l’homme ».
C’est ici que
commence le récit de cette femme qui demande la guérison de sa fille qui va
mal. Elle l’appelle « Seigneur (kurie) » à trois reprises, ajoutant à une reprise
« Fils de David », et l’évangéliste le nomme « Jésus ».
C’est vrai, que l’attitude de Jésus à son égard perturbe nos logiques de
chrétiens habitués à une miséricorde immédiate et inconditionnelle du Christ.
L’insistance de la femme est impérative : « Seigneur !
Secours-moi ! ». Car ce n’est qu’aux disciples qu’il dit qu’il n’a
été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. A elle, il répond : « Il n’est
pas beau de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiots ». On ne
peut interpréter cette phrase au premier degré, c’est une formule de style très
subtilement reprise par la cananéenne : les chiots ont le discernement de
prendre ce qui est bon de ce qui tombe de la table de leurs maîtres (kurion).
Le païen ne devra plus jamais se considérer comme celui qui ramasse les
miettes, mais recevra en plénitude le pain suressentiel.
Jésus en fait
l’éloge : « O femme, grande est ta foi, qu’il advienne ce que tu veux ».
On ne peut vaincre
aisément l’étrangeté de cet évangile,