Alexandre Julien, Petit traité de l’abandon, pensées
pour accueillir la vie telle qu’elle se propose, Seuil, S.E., 2012, pp 63-68.
La Foi et la Prière
Est-ce que j’ai la
foi ? Certaines
nuits, je
me réveille
en songeant que l'univers est vaste
et que dans quelques
années, je ne serai plus là, J’ai des angoisses et cet univers me paraît dépourvu de sens. Certains matins, Je me lève avec la confiance absolue en
mon cœur et je suis sûr que Dieu, qui n’est pas Dieu c’est pourquoi je l’appelle
Dieu, existe et qu’il est
infiniment bienveillant.
Est-ce que j’ai
la foi ?
La réponse
est donc oui et non. Certains jours, je me lève croyant pour me coucher athée. Pourtant, lorsque
je médite
en
profondeur, la
réponse est
oui. Au
niveau du
cœur, j’y
crois totalement
; mais rationnellement, c'est plus compliqué.
Quand j’ai réalisé ce contraste
entre le cœur et l’esprit, j'ai éprouvé
une joie infinie parce que j’y ai trouvé une fois de plus une invitation
à descendre au fond du fond. Comme en pleine mer : à la surface il y a mille
vagues, mais au fond du fond, c’est calme, immensément calme et bienveillant.
Plein de joie, j’ai réalisé que je devais tendre l’oreille à mon Cœur qui lui
est déjà en paix. Le Cœur, d’ailleurs, ne dit jamais non. J’ai constaté que le Cœur accepte la réalité,
le handicap, la souffrance, les quolibets, les regards. C’est l’esprit qui m’en
éloigne. C’est le mental, c’est la psychologie à deux sous que je me suis
fabriquée
Un jour, dans un
monastère, je faisais part à un moine de mes doutes et de ma foi, qui n’est pas
une foi c’est pourquoi je l’appelle foi. Il m’a dit :”Toi, tu es comme Dieu. On
vous prend presque toujours pour quelqu’un d’autre, sauf ceux qui vous aiment
vraiment.” Et il m’a convié à pratiquer un exercice. Il m’a donné une croix et
m’a invité à l’envoyer contre le mur et à faire tout ce que j’avais envie avec
elle. Tout de suite, je lui ai répondu :” Mon père, je ne peux pas faire ce que
tu me dis, c’est un blasphème, je ne peux pas insulter comme ça la religion;”
Et il m’a dit :” Ce que tu prends pour de la religion c’est une idole.” Alors j’ai
fait l’exercice de la croix. Je l’ai jetée contre un mur. Je l’ai triturée et
je me suis aperçu que plus je faisais cela, plus mon amour de Dieu était sans
peur. Quand j’ai raconté cela à ma femme, elle m’a dit :” On pourrait pratiquer
cet exercice avec tous ceux que l’on aime”. Ma ce serait plus difficile de
jeter sa femme contre le mur”! Cela dit, il y a la quelque chose d’éminemment profond. Tant que j’aime une
image de Dieu ou une image de ma femme, je ne l’aime pas pour elle-même. Tant
que j’aime l’image parfait, impeccable de mes enfants, je ne les aime pas pour
ce qu’ils sont
Pour moi, la prière, c’est
se présenter nu à Dieu, sans attentes. On considère souvent la prière comme une
demande. Je demande la santé, je demande la prospérité et je demande régulièrement
pour ma part, d’être épargné de la perte d’un enfant. Mais depuis que l’ai lu
le Soutra du Diamant, il m’apparait
que la prière n’est pas la prière. C’est pourquoi je l’appelle la prière. La
prière ce n’est pas :”Donne-moi ça” Parce que quand on dit :”Donne mi ça”, on
se coupe de tout, on se fixe, on se borne à un résultat. Si Dieu existe, il ne
va pas donner une réponse clé en main à notre prière. Il ne va pas server l’objet
de nos désirs sur un plateau :”Voilà ce que tu m’as demandé!” Peut-être que
dire :”la prière n’est pas la prière c’est pourquoi je l’appelle prière”, c’est
dire :” La réponse à ma prière n’est pas la réponse à ma prière c’est pourquoi je
l’appelle ma réponse à la prière.” Etre en attente. Se laisser ouvrir. Lire le Soutra du Diamant, c’est plonger au fond
du fond pour n’être que pure écoute. Oser laisser la vie sans vouloir changer
quoi que ce soit. Oser lâcher cette obligation de résultat, de réponse, et le
silence peut devenir un lieu de ressource. Parfois dans l’épreuve, ma prière c’est
juste être là.. J’attends sans attendre, dans la confiance. Etre nu devant
Dieu, confiant et sans attente. La confiance ce n’est pas :”J’attends des trucs”.
Une phrase de Saint
Augustin m’aide beaucoup :” Ne fuis pas, rentre en toi-même; c’est dans le Cœur
de l’homme qu’habite la vérité ! “ Et chaque fois que je dois prendre une
grande décision, j’essaye de suivre Saint Augustin et peut être de prendre le sous-marin
de l’âme pour descendre au plus profond de moi, pour y entendre silencieusement
un conseil, une voix discrète dans les tumultes de mes caprices, qui m’indique
non pas un chemin à suivre, mais une direction, qui me suggère le pas à faire.
Et de nouveau la prière n’est pas la prière, c’est pourquoi je l’appelle la
prière. Avant j’imaginais la prière comme une voix intimant des ordres :” Fais
ceci, fais cela!”. Mais cela nie la grandeur de Dieu et la liberté infinie de l’homme.
Pour le chrétien, la prière procède avant tout d’une rencontre. Une rencontre avec le Christ, avec Jésus. Et ce qui me plait dans le parcours de Jésus, si j’ose dire, si l’on regarde sa vie à vue humaine, c’est qu’il y a l’échec, sauf son adhésion totale à la vie. La croix, pour moi, c’est le degré zéro de l’espoir. Jésus à tout raté au moment de la croix. Tout a échoué. Pourtant, pour le croyant, pour le chrétien, c’est là que la vie commence. Elle gagne du terrain, ou plutôt, elle gagne en même temps qu’elle perd. C’est le degré zéro de la vie humaine. Il n’y a plus d’espoir. Et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut. Souvent, dans la prière, je pense à cela. Quand je suis vraiment dans la désolation, quand il n’y a plus rien à faire, j’ose l’abandon total.
L’autre soir, j’étais dans mon lit, le sommeil ne venait pas. J’avais une gouttière dans la bouche pour limiter les tensions dans la nuque. J’avais une pompe à respirer sur le nez pour mieux dormir et un truc aux jambes pour diminuer les douleurs. Le sommeil ne venait pas. J’ai prié et j’ai senti que Dieu était aussi impuissant que moi dans cette situation. Paradoxalement, cela m’a conduit à l’abandon total. Et c’est peut-être cela le miracle. Dix minutes après je ronflais comme un sonneur.
Pour le chrétien, la prière procède avant tout d’une rencontre. Une rencontre avec le Christ, avec Jésus. Et ce qui me plait dans le parcours de Jésus, si j’ose dire, si l’on regarde sa vie à vue humaine, c’est qu’il y a l’échec, sauf son adhésion totale à la vie. La croix, pour moi, c’est le degré zéro de l’espoir. Jésus à tout raté au moment de la croix. Tout a échoué. Pourtant, pour le croyant, pour le chrétien, c’est là que la vie commence. Elle gagne du terrain, ou plutôt, elle gagne en même temps qu’elle perd. C’est le degré zéro de la vie humaine. Il n’y a plus d’espoir. Et pourtant ce degré zéro devient le lieu du salut. Souvent, dans la prière, je pense à cela. Quand je suis vraiment dans la désolation, quand il n’y a plus rien à faire, j’ose l’abandon total.
L’autre soir, j’étais dans mon lit, le sommeil ne venait pas. J’avais une gouttière dans la bouche pour limiter les tensions dans la nuque. J’avais une pompe à respirer sur le nez pour mieux dormir et un truc aux jambes pour diminuer les douleurs. Le sommeil ne venait pas. J’ai prié et j’ai senti que Dieu était aussi impuissant que moi dans cette situation. Paradoxalement, cela m’a conduit à l’abandon total. Et c’est peut-être cela le miracle. Dix minutes après je ronflais comme un sonneur.
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