Evangile selon saint Jean, 6,51-58.
La chose la plus étrange.
Les juifs se querellaient entre eux :
« Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Il
dit ces choses en enseignant dans une synagogue à Capharnaüm. Et l’Evangile
d’ajouter : « Beaucoup de ceux qui l’ont entendu parmi ses disciples
disent donc : « Cette parole est dure, ! Qui peut
l’entendre ? »
« L’eucharistie n’est pas et ne sera jamais une
évidence ; et ceci, par sa radicalité même. L’évidence, si elle existe,
habite des régions plus tranquilles. Du moins, l’eucharistique peut-il prendre sens en ce qui fait l’existence
humaine, et non comme le « sens » que présupposent les convictions
établies, mais comme ce qui naît dans le surgissement le plus vif de
l’expérience.»[1]
« Du côté de la pratique, il s’agira de faire passer l’eucharistie dans la
vie ; et spécialement par l’amour du prochain. Mais aussi, ou d’abord, par
une disposition d’ « action de grâces », par une façon d’être tourné
vers Dieu en toutes choses, par une communion à la souffrance et au
resurgissement de Jésus-Christ. »[2]
Ne pas banaliser. Maintenir l’étrange. Voilà la
condition pour vivre l’eucharistie. Cela n’a pas de sens pour beaucoup de nos
contemporains parce que cela semble si banal. Comme les juifs et les disciples,
j’aurais sans doute protesté. Je trouve ce rite toujours étrange, c’est-à-dire
nouveau, original, déconcertant. L’étrange engendre une rupture avec le
trivial, l’ennuyeux : cela bouleverse. La question centrale, le vrai
sujet, c’est la communion, la relation à autrui, à Dieu ; et cela c’est
toujours ineffable. Nous sommes invités à entrer dans ce que signifie le rite,
il n’y a pas à mériter. Corps et sang sont du côté de la présence réelle comme
le pain et le vin. Transposition de la violence vers le végétal, la
non-violence. L’humanité déjà transfigurée malgré ses régressions régulières.
C’est une pensée-aurore : l’homme assume tout son
corps, la chair n’est pas conçue comme négative. Ce sacrifice invite à la fin
des sacrifices et nous aide à passer de l’illusion (puissance, domination,
cupidité, égocentrisme) à la vérité : du côté de l’expérience et de la
relation.
« C’est là notre perfection : la miséricorde
ou plutôt, la macrothumia, la largesse de cœur. C’est là notre perfection. Elle
peut commencer où que nous soyons. Elle est sans technique, sans savoir, sans
méthode, sans ascèse ».[3]
Th. Vander Poelen